L’entrainement polarisé
Vous avez surement entendu parler de l’entrainement polarisé pour améliorer vos performances ! Mais savez-vous pourquoi ce modèle fait autant de succès ? Savez-vous comment le mettre en place dans votre entrainement ? Est-ce une méthode d’entrainement que vous devriez appliquer ?
Dans cet article, je vais répondre à certaines de vos questions en vous apportant des connaissances sur ce modèle d’entrainement.
Les zones d’entrainement du modèle polarisé
Les études portant sur l’entrainement polarisé ont fait ressortir 3 zones d’entrainement dans le but de répondre à cette question : Combien de temps faut-il passer dans chacune de ces zones d’entrainement pour être le plus performant ?
Le graphique ci-contre montre l’évolution du lactate et la diminution du pH (acidification) au cours d’un test à l’effort par incrémentation. C’est-à-dire un test VMA/PMA durant lequel l’allure demandée augmente par palier jusqu’à ce que l’athlète en question explose.
On peut voir sur ce schéma que jusqu’à la 7ème minute d’effort, le taux de lactate sanguin de l’athlète reste stable. Cela veut dire que l’athlète est toujours dans une filière aérobie dans laquelle il produit un effort facile ne produisant pas de lactate (grossièrement appelé acide lactique).
Ensuite, il se passe autre chose… le taux de lactate augmente de façon exponentielle ! L’effort devient rapidement insupportable, l’athlète utilise davantage une filière anaérobie lactique qui produit de plus en plus de lactates. Les jambes sont « lactiques », le gout du sang dans la bouche est présent et la FC est maximale.
Les scientifiques ont établi donc 3 zones délimitées par 2 seuils lactiques/ventilatoires. L’un étant à 2mmol/L de lactate et l’autre étant à 4mmol/L. Entre 2 et 4mmol/L, le corps arrive à stabiliser le recyclage du lactate et sa production et donc l’athlète peut rester longtemps à cette intensité qui est perçue comme désagréables.
Z1 -> Production de lactate = recyclage du lactate.
Z2 -> Production de lactate > recyclage du lactate.
Z3 -> Production de lactate >>> recyclage du lactate.
Stephen Seiler –> protagoniste de l’entrainement polarisé. Ci-dessus, ses 3 zones d’entrainement !
>>> Comment connaitre ces zones ?
Idéalement, il faut aller faire un test VO2max ou bien prise de lactate pour délimiter les 2 seuils. Mais si vous n’avez pas cette chance, le premier seuil (aussi appelé SV1 ou LT1) se trouve à environ 80% de votre FCmax et votre deuxième seuil (SV2 ou LT2) se trouve à environ 87% de votre FCmax. Il existe des variabilités individuelles mais utiliser ces repères permettent déjà d’avoir un bon repère sur vos 2 seuils.
Qu’est-ce que l’entrainement polarisé exactement?
C’est cette fameuse règle du 80/20.
80% de votre entrainement en Z1 et donc en intensité très faible et 20% de votre entrainement en Z3 et donc en très haute intensité.
La Z1 est la zone dans laquelle il faudrait établir une grosse partie de son temps d’entrainement. 80% ! L’avantage de cette zone est impressionnant. Il y a des bénéfices physiologiques en s’entrainement en basse intensité sans induire de grosse fatigue physique et mental. C’est facile de s’entrainer à cette intensité. La logique du « no pain, no gain » serait donc obsolète !?
La Z2 qui correspond à l’intensité se retrouvant entre les 2 seuils ventilatoires serait selon cette méthode à éviter. Il faudrait ne pas dépasser les 5-7% de votre entrainement dans cette zone. Pourquoi ? Car les effets physiologiques ainsi que la fatigue mentale et physique qu’elle produit ne semble pas en valoir la chandelle. C’est « too much pain for too little gain ».
La Z3 correspondrait à environ 15% de votre entrainement. Le but de la méthode polarisée étant de passer un temps conséquent en Z1 pour récupérer entre les séances intenses qui sont effectués en étant en forme. Les séances incluant un temps conséquent en Z3 sont épuisantes et nécessites de la fraicheur et de la récupération.
PS : Attention, ces séances ne sont pas réaliser à une intensité trop élevée et sont plutôt proches du SV2. C’est-à-dire que vous allez faire des séances aux alentours de VO2max mais rarement des séances courtes très rapides ou le lactique monte vite jusqu’aux oreilles. Nous en reparlerons dans cet article.
L’erreur qu’il ne faut surtout pas faire !
Le ratio 80/20 , ce n’est pas 80% de votre entrainement facile et 20% de votre entrainement difficile tous les jours. C’est plutôt 8 entrainements sur 10 effectué en intensité basse et 2 entrainements avec des intervalles en Z3. Le principe est simple, récupérer entre les séances intenses pour laisser le corps le temps de surcompenser.
Pourquoi s’entrainer de manière polarisée ?
L’entrainement polarisé est né naturellement. C’est la logique même de l’histoire de l’entrainement. Ce qui fonctionne pour un athlète est conservé et ce qui ne fonctionne pas est rejeté. De cette façon, les chercheurs ont récemment voulu étudier la façon de s’entrainer des champions actuels. Ils ont constaté que le temps passé à chaque zone d’intensité était polarisé pour les meilleurs athlètes mondiaux dans chaque discipline. C’est une question assez simple qu’ils ont essayé de répondre : Quel est la relation performance et durée/intensité de l’entrainement des sportifs d’endurance ?
Nous allons voir 3 exemples d’étude scientifique sur le modèle polarisé.
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L’entrainement de Marit Bjorgen.
Voici un graphique représentant sur 17 années d’entrainement, la corrélation entre le profil d’entrainement de Marit Bjorgen et ses podiums internationaux annuels. (1) Par son palmarès, c’est la meilleure fondeuse de l’histoire. (Ski de Fond).
En analysant ce graphique, on constate une corrélation entre la façon dont Marit s’est entrainée et ses performances internationales. Entre 2010 et 2015, elle a réduit son temps passé à s’entrainer à haute intensité pour augmenter son volume d’entrainement à basse intensité et multiplier ses séances de renforcement musculaire. C’est lors de cette période que ces records ont explosé.
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Les orienteurs élites et leur entrainement sur une année.
Voici un nouveau schéma représentant l’entrainement annuel et le temps passé dans chaque zones d’entrainement de 8 orienteurs élites. (2)
On constate que la part de l’entrainement en Z1 + musculation relève de 80% du temps passé de leur entrainement. Durant la phase d’entrainement spécifique et compétitive, le temps passé en zone 3 augmente légèrement et le temps passé en Z2 reste identique tandis que le volume d’entrainement en basse intensité baisse légèrement. Cela est notamment lié à l’enchainement des compétitions à cette période et à la nécessité de réduire le volume d’entrainement pour récupérer efficacement entre ces dernières. Le constat est le même ici, le temps passé en Z2 est faible et le modèle polarisé revient (80% en Z1 et 15-20% en Z3).
PS : Bon à savoir. Il est difficile de courir en dehors des sentiers sur le sol des forets meubles. De ce fait, les orienteurs montent rapidement en Z2 sans s’en rendre compte. Pourtant, les orienteurs élites semblent assidu et respecte le fait d’y aller lentement lorsqu’il le faut. De mon expérience, surtout lorsque l’on est une orienteuse, il ne faut pas hésiter à marcher pour vraiment rester en basse intensité lorsque l’environnement devient énergivore
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Les triathlètes préparant les iron-man.
Un iron-man est un triathlon de longue distance (3800m swimming + 180k cycling + 42k running) qui est effectué en grande partie en Z2. Alors une question pourrait se poser -> Faut-il effectuer un gros volume d’entrainement en Z2 ; étant une allure spécifique iron-man ; pour espérer mieux performer sur ce format ?
Selon cette étude (3), la réponse est non.
Le modèle polarisé l’emporte encore. Il faut accumuler un gros volume d’entrainement à pied et en vélo en basse intensité. La natation par contre semble se faire plus souvent à allure élevée pour développer la technique. On pourrait en déduire le même principe pour un trail court/long durant lequel on court majoritairement en Z2. Il convient de ne pas forcément s’entrainer beaucoup à cette zone d’intensité pour progresser dans cette dernière.
Pour aller plus loin dans cette méthode polarisée
Les scientifiques ont physiologiquement montrés 3 zones d’entrainements. Mais en pratique, ils ont découpé Z1 et Z3 en deux pour aboutir à un autre modèle.
A travers ce modèle, on distingue 5 zones (une 6ème zone peu importante pour nous). Pour voir l’intérêt de ces zones, je vais répondre à 2 questions souvent posées.
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Peut-on courir trop lentement en basse intensité ?
La réponse est non. Tout dépend de la durée de votre effort. Même à très basse intensité en Z1, le corps subit un stress si l’effort est long et dure plusieurs heures. Toutefois, il semble que la majorité de l’entrainement en basse intensité s’effectue à la limite Z1/Z2. Plutôt Z1 lorsque l’objectif de la séance se tourne vers une récupération active. Plutôt en Z2 lorsque l’objectif de votre sortie étant de stimuler légèrement le système aérobie. Naturellement, l’environnement ferra varier votre intensité. C’est-à-dire que vous serez vraisemblablement en Z2 lorsque vous allez courir en côte lors d’une sortie trail longue et en Z1 lors des descentes.
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Les 20% passés à haute intensité ; se font-ils plutôt en Z4 ou Z5 ?
Une citation assez rependue : Mieux vaut-il s’entrainer en passant 16’ à 100% de notre VO2max ou 40’ à 90% de cette dernière ?
Cette question n’a pas bien été répondue ; toutefois quelque chose ressort.
Une étude montre que s’entrainer à trop haute intensité peut inhiber le régulateur PGC-1a. (4) Ce dernier est un régulateur puissant de la biogénèse des mitochondries et du métabolisme oxydatif dans le muscle squelettique. C’est-à-dire qu’il est important pour développer les facteurs de performance en endurance et notamment le VO2max.
Ainsi, s’entrainer à trop haute intensité en Z5 ne semble pas le plus efficace pour les sports d’endurance.
D’autres études montrent aucune différence entre les séances intenses si le temps de travail/récupération est similaire. Ce qui semble important, c’est que les blocs de fractionné soient suffisamment longs et que la récupération suffisamment courte pour permettre une dérive de la fréquence cardiaque et ainsi progressivement rentrer dans les Z4 et Z5 d’entrainement.
EXEMPLE 1
Voici une séance de VMA réalisée à bloc. 12 x 300m récup = 45’’ On constate que le temps passé en Z4 et Z5 ne correspond seulement qu’à 10’ d’effort. Ce qui est relativement peu au vue de la fatigue induite de la séance. D’autant plus que les allures étaient très élevées lors des 300m (48’’), une vitesse qui ne sera jamais couru lors d’un trail court/long et même d’un 10km route.
EXEMPLE 2
Voici une séance intense 8 x 4’ récup = 2’. On constate ici que le temps passé en Z4 et Z5 est de 17’. C’est presque 2 x plus que lors de la VMA. Cependant on ne touche pas ici à la Z5. Cette dernière étant très éprouvante et potentiellement pas aussi efficace que la Z4 pour développer votre niveau aérobie.
Bilan des 2 exemples.
La partie intense de l’entrainement polarisé veut dire ; passer du temps à haute intensité. Cela ne veut pas dire aller le plus loin possible dans l’intensité. Les études montrent qu’il faut beaucoup de temps pour récupérer d’une séance VMA à intensité maximale 10/10 qui fait exploser l’acide lactique jusqu’aux oreilles. En fait, il semble plus intéressant de s’entrainer plus longtemps à 90% de la FCmax que proche de 100% de la FCmax pour développer son VO2max. Etonnant me direz-vous ?!
Mon avis sur la question est qu’il faut s’adapter à la nature de son objectif. Un demi-fondeur préparant du 1500m aura tout intérêt à faire les séances intenses a intensité élevée tandis qu’un traileur devrait sans doute opter pour essayer de passer un temps conséquent en Z4 basse.
Conclusion
Mise en pratique chez le coureur amateur
Voici une étude (5) qui compare l’entrainement polarisé et l’entrainement pyramidal (temps passé en Z2 élevé) sur 10 semaines chez des coureurs amateurs (4h d’entrainement hebdomadaire).
Les 2 groupes ont progressé mais le groupe polarisé semble avoir obtenu de meilleurs résultats. Pour vous dire que si vous êtes un coureur amateur, même en vous entrainant de la façon pyramidale, vous allez progresser ! Mais l’entrainement polarisé semble être également très efficace.
De mon expérience personnelle, l’entrainement polarisé peut être CHIANT ! Essayez de rester en Z1 lorsque vous êtes en côte raide… c’est marcher lentement pour certains ! Pour moi, il convient de simplement se forcer à rester en Z1 sur un parcours facile lorsque le corps a besoin de récupérer et ne pas hésiter à faire certains entrainements en Z2 lors de sorties longues pour acquérir de l’expérience.
En fait, je calerais le modèle polarisé en suivant cette règle : 1 séance intense Z2/Z3 suivi de 2 jours faciles en Z1. Durant ces jours, il faut se forcer à trouver un parcours
Ce qu’il faut retenir de cet article
– Le volume d’entrainement à basse intensité fait progresser.
– 80%/20% veut dire qu’il faut espacer de 2 à 3 jours les séances intenses pour laisser l’organisme le temps de surcompenser.
– La Z3 sur le modèle à 5 zones d’intensité est une zone qu’il faut éviter. Même si c’est l’intensité spécifique de votre compétition objectif.
– Les séances réalisées en Z4 et proche de 90% de la FCmax sont plus efficace que les séances à intensité très élevée.
– Il faut veiller à être prudent sur l’effort que vous fournissez lorsque vous êtes en côte car on rentre facilement dans la Z4.
Exemple d’un cycle type « entrainement polarisé »
L : Footing plat 60’ Z1/Z2
M : Footing Z1 + pliométrie jambe + 10 LD
Mr : Footing vallonné 50’ Z1
J : 4 x 8’ récup = 2’ sur parcours vallonné en Z4 (88-92% FCmax)
V : Footing 30’ Z1
S : Matin = 1h vallonné Z2 / Aprem = 10km plat facile
D : Sortie Trail D+ 3h00 incluant 3 x (10’ en montée Z4 + descente à bloc) récup = 5’ à 10’ Z1
L : 1h00 vélo Z1 pour récupérer
M : Repos complet
Mr : Footing vallonnée 60’ Z1/Z2
J : 4 x (10 x 40’’/20’’) en côte Z4/Z5 récup = descente souple.
V : Footing 40’ Z1
S : Sortie Trail D+ 3h00 Z1/Z2
D : Sortie longue progressive = 30km plat comprenant 10k Z1 + 5k Z2 + 5k Z3 + 5k Z4 + 5k Z1
Bibliographie
(1) – Solli, Guro & Tønnessen, Espen & Sandbakk, Oyvind. (2017). The Training Characteristics of the World’s Most Successful Female Cross-Country Skier. Frontiers in Physiology. 8. 10.3389/fphys.2017.01069.
(2) – Tønnessen, Espen & Svendsen, Ida & Rønnestad, Bent & Hisdal, Jonny & Haugen, Thomas & Seiler, Stephen. (2015). The Annual Training Periodization of 8 World Champions in Orienteering. International journal of sports physiology and performance. 10. 29-38. 10.1123/ijspp.2014-0005.
(3) – Muñoz, Iker & Cejuela, Roberto & Seiler, Stephen & Larumbe, Eneko & Esteve, Jonathan. (2013). Training-Intensity Distribution During an Ironman Season: Relationship With Competition Performance. International journal of sports physiology and performance. 9. 10.1123/IJSPP.2012-0352.
(4) – Edgett, B. A., Foster, W. S., Hankinson, P. B., Simpson, C. A., Little, J. P., Graham, R. B., & Gurd, B. J. (2013). Dissociation of increases in PGC-1α and its regulators from exercise intensity and muscle activation following acute exercise. PloS one, 8(8), e71623.
(5) – Muñoz, Iker & Seiler, Stephen & Bautista, Javier & España, Javier & Larumbe, Eneko & Esteve, Jonathan. (2013). Does Polarized Training Improve Performance in Recreational Runners?. International journal of sports physiology and performance. 9. 10.1123/IJSPP.2012-0350.
Salut, article hyper intéressant et bien construit. De la documentation sur l’entraînement accessible et en même temps qui aborde des sujets techniques c’est toujours cool ! bravo pour le taff !
Merci, les retours font plaisir!
Très bel article
Y a t’il des formations sur ces entraînements polarisé ?
Merci
Très bonne question, je ne propose pas de formation et je ne sais pas s’il en existe spécifiquement sur le sujet. Je peux te conseiller les vidéos youtube du docteur Stephen SEILER qui parle beaucoup de l’entrainement polarisé.