Les glucides à l’effort en trail.
I. Les glucides en trail en tant que source d’énergie.
A) Le carburant du traileur.
De la même manière qu’une voiture à besoin de carburant sous la forme d’essence, gasoil ou autre pour avancer, le corps humain a besoin de carburant sous la forme de trois nutriments:
- Les Protides.
- Les Lipides.
- Les Glucides.
- (L’alcool qui n’a pas de fonction énergétique).
Chacun de ces macronutriments est multifonctionnel. Par exemple, les lipides servent aussi bien à produire des hormones qu’à fournir de l’énergie quand il le faut. Or, le carburant par excellence chez le sportif d’endurance est le glucose. Ce dernier est issu de la dégradation des glucides via la digestion. Pour simplifier grandement le métabolisme des glucides, voici une équation très très simplifiée.
Glucides + digestion = Glucose.
Glucose + O2 = énergie + H2O (sueur).
Les lipides peuvent également fournir de l’énergie. Cependant, le métabolisme des lipides est plus lent et demande des transformations chimiques prenant plus de temps que celui des glucides. Ainsi, plus l’effort est intense (exprimé en %VO2max sur le schéma ci-dessous) et plus le corps va utiliser (oxyder) des glucides. D’ailleurs, en course, on est généralement au-dessus de 75% de notre VO2max sauf pour les formats ultra-trail. Si vous avez bien suivi, sur des formats de trail courts et mi-long, ce sont les glucides qui sont davantage oxydés.
Voici un schéma réprésentatif du taux d’oxydation des glucides et lipides en fonction de l’intensité de l’effort. On constate qu’à l’effort, le corps utilise toujours ces 2 carburants mais à des proportions différentes. Plus l’effort est intense et plus les glucides seront utilisés. C’est l’inverse lorsque l’intensité de l’effort est plus faible.
B) Notre corps, une réserve d’énergie.
Les protides
Les protides, aussi connus sous le nom de protéines vont être décomposés en acides aminés lors de la digestion. Ces derniers ont un rôle important dans la synthèse, la réparation musculaire et l’intégrité des tissus du corps chez le sportif. Cependant, le corps n’utilise pas les acides aminés à l’effort, ou bien très peu en cas d’effort très prolongé. Ainsi, les protides ne sont pas une source d’énergie à privilégier à l’effort sauf lors de certaines situations spécifiques.
En effet, les efforts prolongés de plusieurs heures (trail long et ultra-trail) demandent beaucoup d’énergie sous forme de calories. Lorsque le corps est en dette énergétique importante, il va dégrader les muscles pour fournir de l’énergie avec les acides aminées. Ainsi, il est recommandé de se supplémenter en acides aminés du type BCAA ou boisson de récupération pendant l’effort afin de minimiser cette dégradation musculaire.
Les lipides
Lors de la digestion, les lipides vont être transformés en glycérol et acides gras assemblés en triglycérides. Ces derniers vont ensuite être transportés dans le sang pour être utilisé ou stocké. Il existe 3 possibilités:
1- Les lipides (enfin triglycérides maintenant) sont utilisés comme source d’énergie. Que ce soit à l’effort ou au repos.
2- Les lipides sont utilisés pour d’autres fonctions (transport des vitamines, production d’hormones etc…)
3- Les lipides sont stockés dans les cellules adipeuses que l’on appelle communément “graisse”. Ils pourront être utilisés plus tard.
Bon à savoir : Les lipides forment des stocks très très importants d’énergie pouvant dépasser les 100 000 kcal. Ainsi, on peut survivre plusieurs jours sans manger grâce à nos réserves en graisse.
Les glucides
Lors de la digestion, les glucides sont transformés en glucoses pour ensuite être transporté dans le sang.
La glycémie est la concentration de glucose (sucre) dans le sang. En consommant des glucides, je fais ainsi parvenir du glucose dans le sang. Il existe donc 2 possibilités:
1- Au repos : Si nous ne fournissons pas d’effort physique, notre corps n’utilise pas immédiatement tout le glucose disponible. Dans ce cas, notre glycémie augmente. Pour réguler cela, notre corps sécrète de l’insuline, une hormone qui récupère l’excès de glucose et le stocke sous forme de glycogène dans le foie et les muscles. Si nos réserves de glycogène sont déjà pleines en raison d’un apport élevé en glucides, l’excès de glucose est converti en acides gras et stocké sous forme de triglycérides dans les tissus adipeux (graisse) pour une utilisation ultérieure comme réserve d’énergie.
2- Pendant un effort intense d’endurance : Lorsque nous sommes engagés dans un effort physique intense et prolongé, nous utilisons le glucose directement pour produire de l’énergie. Le glucose récemment arrivé dans le sang est utilisé immédiatement et n’est pas stocké.
La régulation de la glycémie
L’insuline.
C’est une hormone qui est sécrétée lorsque la glycémie augmente comme par exemple après un repas riche en glucides. Cette hormone va permettre de stocker le glucose en trop dans le foie et les muscles sous forme de glycogène.
Le glucagon.
Lorsque je fais un effort intense en endurance sans m’alimenter, mes muscles utilisent le glucose présent dans le sang. Ainsi, la glycémie baisse. Pour palier à celà, une hormone opposée à l’insuline est sécrétée par les cellules du pancréas. C’est le glucagon qui permet de libérer les stocks de glycogène hépatique (du foie) sous forme de glucose qui circulera ensuite dans le sang jusqu’aux muscles.
Schéma récapitulatif
II. Pourquoi consommer des glucides à l’effort ?
A) Épargner les stocks de glycogènes.
Premièrement nos réserves de glycogènes sont limitées. On peut stocker entre 100 et 120g de glycogène dans le foie et entre 400 et 900g dans les muscles (variations individuelles importantes). D’ailleurs, l’oxydation et donc l’utilisation des glucides varie en fonction de l’intensité de l’effort.
Cette intensité est représentée à travers le modèle de 3 zones sur le schéma ci-dessous. (Voir l’article sur l’entrainement polarisé pour mieux comprendre ce modèle). On constate que pour un effort très intense en zone 3 (Z3) prolongé pendant 80 à 120 minutes, les stocks de glycogènes (représentés sur la barre horizontale du graphique) chutent à 0%. Lorsque ces stocks sont vides, le corps doit compter sur d’autres sources d’énergie comme les lipides pour produire de l’énergie. Or les glucides sont une source d’énergie rapidement disponible et donc très utile pour des efforts intenses au dessus de 70% de VO2max. Certes l’utilisation des lipides permet de fournir de l’énergie de façon quasi illimité mais c’est un carburant qui ne permet pas de “monter dans les tours”.
Conséquences :
- Fatigue et faiblesse musculaire -> Crampes pour certains.
- Énergie mentale altérée -> tête qui tourne, concentration qui baisse…
- Hypoglycémies/Fringales.
- Baisse des performances sportives.
Ainsi, apporter de manière exogène des glucides (par l’alimentation), permettrait d’épargner les réserves de glycogène du foie et des muscles. Par conséquent, ces réserves seront plus lentement épuisées et les conséquences se verraient retardées!
Bon à savoir : L’intensité d’effort au marathon se situe aux alentours du seuil entre Z2 et Z3 vers 85% de la fréquence cardiaque maximale (FCmax). Sur le graphique, celà voudrait dire que les réserves de glycogènes sont vides après environ 2h30 de course. C’est étonnamment après cette durée d’effort que la majorité des coureurs atteignent la barre de 30-35km! Voici la raison principale du MUR du marathon.
B) Maintenir la glycémie pendant l’effort.
S’alimenter en glucides pendant l’effort permet de maintenir une glycémie stable. (cf. schéma ci-dessous) Ainsi, on réduit le risque de fringale et d’hypoglycémie à l’effort. Et nous savons tous qu’une hypoglycémie n’est pas un bon signe en course.
Ce graphique représente l’évolution de la concentration de glucose dans le sang à l’effort sur une durée de 4h00. On constate que pour le groupe CHO consommant des boissons énergétiques, cette concentration reste stable tandis que pour le groupe Placebo, cette concentration diminue progressivement. Lors que la concentration en glucose dans le sang est trop basse, c’est l’hypoglycémie.
C) Optimiser la récupération musculaire et énergétique.
D’une part, une consommation très élevée de glucides à l’effort permettrait de réduire la fatigue musculaire induite par un trail par rapport à une consommation réduite. (1)
D’autre part, l’épargne des réserves de glycogènes due à l’ingestion de glucides permettrait de terminer un entraînement moins “vidé” et donc de remplir à nouveau ces réserves plus rapidement a posteriori. (2)
C’est donc une bonne idée de consommer des glucides à l’effort en période d’entraînement intensif et/ou d’un enchaînement de courses car cette consommation permet de limiter la fatigue induite par l’effort et ainsi d’optimiser la récupération.
D) Garder un taux d’oxydation des glucides élevées dans le temps.
Voici un graphique montrant l’oxydation des glucides (CHO) lors de plusieurs heures d’effort. On y voit un premier groupe de personnes nommé CHO qui bénéficie d’un apport régulier de glucose à l’aide d’une boisson énergétique et un second groupe nommé Placebo sans apport externe de glucose. On constate qu’après 3h00 d’effort, le groupe placébo oxyde beaucoup moins de glucides que le groupe CHO! C’est-à-dire que le groupe CHO utilise toujours le carburant des efforts intenses après plusieurs heures contrairement au groupe placébo.
Ça a son importance car bien souvent une compétition en trail/cyclisme (jusqu’à 4-5h d’effort) se gagne sur la dernière bosse ou les derniers mètres. Ainsi, celui qui veut faire la différence en fin de course va devoir utiliser les glucides en tant que source d’énergie pour faire une attaque ou changer de rythme.
E) Stimuler le système nerveux central.
L’apport exogène en glucide permet de stimuler le cerveau à travers des récepteurs dans la bouche et l’estomac. Par exemple, le simple fait de se rincer la bouche avec de la boisson d’effort peut influencer positivement la perception de l’effort et améliorer la performance. (3)
Par ailleurs, le glucose est le carburant principal du cerveau. Si j’en consomme, j’en apporte potentiellement plus à ce dernier. Ceci permet d’être plus concentré et donc de favoriser les efforts explosifs et rapides. Ceci a par exemple été démontré en tennis. (4)
Bon à savoir : lorsque vous regarderez un match de football, soyez attentifs car vous devriez voir des footballeurs recracher leur boisson. Ils stimulent en fait leur système nerveux central en se rinçant la bouche avec une boisson sucrée.
III. Comment consommer des glucides à l’effort en trail ?
A) Quel type de glucides consommer à l’effort.
Il existe différents types de glucides, chacun avec sa structure chimique unique et ses propriétés spécifiques. Le lactose, par exemple, est le principal glucide présent dans le lait et les produits laitiers. Le fructose est un glucide naturellement présent dans les fruits et certains légumes, et il est souvent utilisé comme édulcorant. Le glucose est la forme de glucide la plus simple et est considéré comme le principal carburant du corps.
Voici un schéma qui représente une forme de classification des glucides. Ces derniers sont classés en fonction de leur structure moléculaire. La structure moléculaire des glucides est importante puisqu’elle influence leur décomposition, les enzymes utilisés pour leur digestion et leur moyen de transport dans le sang. (Par exemple, la structure moléculaire du lactose demande une enzyme digestive spécifique qui est de moins en moins présente avec l’âge. C’est pourquoi les nouveaux nés digère très bien le lait contrairement aux adultes).
C’est pourquoi, tous les glucides ne se valent pas à l’effort! Certains sont plus ou moins tolérés et oxydés que d’autres. Les forme les plus assimilables à l’effort sont le glucose, le fructose et la maltodextrine.
Le tableau vous montre que certains glucides sont beaucoup plus oxydables que d’autres à l’effort. Mais ce qui permet un taux maximal d’oxydation de glucides par heure est un mélange de glucides de natures différents comme la maltodextrine et du fructose par exemple. Cela est dû au fait que ces deux molécules ont des mécanismes de transport différents et peuvent être apportées aux muscles simultanément. (5)
B) Quelle quantité de glucides consommer à l’effort.
“L’apport optimal en glucide est celui qui permet une oxydation maximale des glucides sans générer de déboires intestinaux.”
Ce tableau résume les résultats d’une étude sur la quantité et le type de glucides consommés à l’effort. Le groupe consommant le plus de glucides en mixant leur nature est celui qui a performé le plus et de loin.
D’ailleurs, les coureurs élites peuvent consommer jusqu’à plus de 120g/h de glucides à l’effort. En général, plus vous pouvez en consommer et plus les effets seront positifs sur la performance à la condition que celà ne génère pas de problèmes gastriques. (6)
C) Chartre des glucides en trail.
A travers cette charte, vous pouvez avoir une idée de la quantité de glucides consommée à l’effort. Généralement, plus l’effort est long et plus il serait intéressant de consommer une importante quantité de glucides. Mais je pense qu’il faut considérer une certaine limite à cette idée. En effet, en ultra-trail, il faut prendre en compte d’autres besoins (minéraux, protides, repas solides, etc.) et réduire au maximum les risques de problèmes gastriques qui sont la cause de nombreux abandons (par exemple, 15,1% lors de l’UTMB 2009). Cette charte vaut donc pour des efforts allant jusqu’à 6-8h. Au delà, il convient de réduire un peu les apports en glucides pour apporter des lipides et protides.
IV. Les conseils à garder
- Utiliser la charte des glucides pour rapporter votre temps d’effort aux normes conseillées scientifiquement quant à l’apport optimal de glucide par heure.
- Mixer les formes de glucides pour mieux les assimiler et oxyder à l’effort. Il semble efficace d’avoir un ratio de 70% maltodextrine + 30% fructose et/ou glucose.
- Le maître mot, testez à l’entraînement! Pourquoi ne pas dépasser les 90g/h de glucide sur des formats de 4-5h si vous assimilez très bien ? Ou inversement réduire cette quantité de glucides si vous ne le tolérez pas. Apprenez à vous connaître et tester encore et encore. Votre système digestif s’adaptera et les chances de déboires gastriques seront réduites.
- Garder une marge de tolérance de glucides en compétition. Si vous voulez consommer 60g/h de glucides en course, alors entrainez vous à en consommer un peu plus à l’entrainement. En effet, le stress et l’effort de la compétition affaiblissent la tolérance gastrique. Ne pas hésiter à bien vous alimenter lors des entraînements pour mieux récupérer derrière et ne pas générer trop de fatigue.